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Editorial Avril 2010

05 mai 2010 · 2 minutes de lecture
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Un long fleuve


Long de 40 ans, de 15 600 jours terrestres, même pas un clin d’œil à l’échelle de l’univers.


Ce fleuve a pris sa source dans le cœur de ceux qui croient en l’humanité, dans les gigantesques fentes rocheuses éventrées par une longue éruption de feu et de sang.
Des centaines de milliers d’enfants ont été projetés hors de leur nid. Beaucoup ont vu leurs parents immolés par la violence des hommes. Tétanisés d’effroi, ils fuyaient l’immense boule de feu qui roulait à toute allure à leur poursuite.


Tel un feu de forêt embrasant la jungle, les bambis effrayés couraient dans tous les sens, certains encerclés par les flammes. Quand tout, ou presque, fut consumé, l’obscurité envahit la forêt incandescente et fumante. Seuls, persistaient les craquements de bois.


A l’aube, par endroits, des spirales de fumée montaient encore au ciel. Enfin, des pluies se déversèrent comme pour rafraîchir les survivants, qui lentement se relevaient, cherchant désespérément leur progéniture.


Loin, à l’horizon, un profil d’oiseau. Ce n’est ni un majestueux condor, ni un super Boeing. Quand son ombre plane sur les cendres, ce n’est qu’un jeune oiseau, déterminé à se poser sur cette terre de désolation à la recherche des oisillons projetés hors de leurs nids.
Oui, sa détermination est née d’un choc brutal.


Il est déterminé à reconstruire des nids pour ces oisillons et leur faire « oublier » ce trop violent tsunami qui a brisé leur cœur.
Il a offert aux oisillons orphelins l’eau du fleuve dont le flot charrie depuis quarante ans des alluvions et des minuscules paillettes d’or.
Ce fleuve a connu des moments de crues et de sécheresse, des descentes à pic sur des pentes raides et des traversées de plateaux et de plaines.
Des milliers d’autres torrents y ont déversé le flot de leur amour.


Ensemble, avec ses torrents, il creuse désormais des ravins de plus en plus profonds, pour que tout au long de sa gorge, résonne le chant matinal des oiseaux. Ses courbes et ses méandres fertiles s’entrelacent pour abriter des villages : Dalat, Hué et Dong Hoi.


Là, plusieurs générations d’oiseaux y ont été couvées par la tendresse des Mères.
Réconciliés désormais avec l’humanité pour s’être désaltérés sur les berges du fleuve, beaucoup ont pris l’envol pour le large afin de porter à d’autres le souffle de votre Amour.


Kim Trân Thanh Vân